Nous nous accordons communément à considérer le bonheur comme étant le but d'une vie réussie.
Par là, nous sous-entendons d'abord qu'il serait la fin de notre existence, constituant pour nous le souverain bien, soit le bien tel qu'aucun autre ne saurait lui être supérieur, comme si nous aspirions naturellement tous au bonheur.
Et de fait, celui qui affirmerait que son but dans l'existence est d'être malheureux nous semblerait être ou bien malade, ou bien fou.
Mais nous sous-entendons aussi par là que le bonheur aurait à se gagner, sans trancher entre l'hypothèse selon laquelle ce serait par chance (comme l'on dit d'un joueur qu'il a de la réussite), ou grâce à l'effet d'un travail acharné (comme l'on salue la réussite d'un candidat à un concours ou à un examen).
Mais alors, chercher le bonheur comme destination, ne serait-ce pas s'empêcher de parvenir à être heureux sur le chemin qu'est la vie ?
Peut-être pourrions-nous trouver à éclairer ces hypothèses en examinant ce que nous apprend l'étymologie du bonheur :
Bon heure, augurium : présage, augure, chance (voire destin).
Comment, dès lors, si le bonheur est affaire de circonstances qui nous sont extérieures et sur lesquelles nous n'avons pas prise, pourrait-on avoir la moindre chance de travailler efficacement à notre bonheur ? Tout au plus, celui-ci serait l'affaire du hasard des circonstances, ou bien de la nécessité d'un monde qui échappe à notre commandement.
Or, demandant s'il nous "faut" travailler à notre bonheur, la question paraît alors au mieux redondante, au pire absurde et vaine :
a) Si le bonheur est ce à quoi nous aspirons spontanément, pourquoi y aurait-il lieu d'envisager sa recherche comme étant l'objet d'un "devoir" ?
b) Si notre bonheur ne dépend pas de nous, le rechercher serait vain, et faire de cette recherche un devoir nous condamnerait à une tâche aussi absurde que celle de Sisyphe, qui sans fin roule jusqu'au sommet d'une montagne une pierre qui en redescend aussitôt.
Bref, quel sens y aurait-il à poser comme un devoir de travailler à un bonheur vers lequel nous sommes naturellement portés, et qui au surplus ne semble par définition pas dépendre de nous ?
À moins que nous prenions au sérieux la dimension catégorique de l'obligation selon laquelle "il le faut" : en vertu de quoi, alors, serait-ce un devoir envers nous-mêmes que de travailler à notre propre bonheur ?
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